(Article) L’ostéopathie, c’est aussi pour les bébés

Le monde.fr, le 2 aout 2011

Un bébé de quatre jours qui ne cesse de pleurer malgré les tentatives répétées de réconfort. Une petite fille de deux jours qui n’arrive pas à téter. Une autre, à peine plus âgée, qui reste toujours dans la même position… Chaque vendredi, Michèle Barrot, ostéopathe, vient en aide aux nourrissons de la maternité du centre hospitalier Victor-Dupouy, à Argenteuil (Val d’Oise).

« Sa mandibule était mal positionnée, ce qui ne déclenchait pas le réflexe de succion, explique Michèle Barrot à propos du bébé incapable de prendre le sein de sa mère. Après une séance d’ostéopathie, le bébé était apaisé et a pu téter le sein. » Pleurs, coliques, mauvaises positions… l’ostéopathie permet souvent de répondre aux maux du nourrisson en quelques séances.L’ostéopathie est aussi pratiquée sur les bébés prématurés. L’un des principaux objectifs est d’améliorer l’allaitement, qui peut être gêné par les problèmes de déglutition. « Le nombre de séances d’ostéopathie dont les bébés bénéficient est en moyenne de 3 à 4, de dix à vingt minutes chacune, rarement plus », explique Michèle Barrot, secrétaire du Collectif de développement de l’ostéopathie périnatale (CDOP).

Longtemps réservée à l’adulte, l’ostéopathie commence à trouver sa place dans les maternités. Une ou plusieurs séances suffisent généralement à résoudre des difficultés passagères. Il peut s’agir d’un problème survenu avec l’accouchement, mais c’est souvent la position du bébé in utero qui en est à l’origine.

« Une prise en charge ostéopathique avant trois mois a un effet positif sur la survenue des reflux gastro-oesophagiens (RGO) », explique Yannick Huard, responsable de la clinique ostéopathique de l’Ecole supérieure d’ostéopathie (ESO). C’est souvent sur le conseil de l’entourage que des parents se tournent vers l’ostéopathie. « Elle peut éviter la prise de médicament, insiste Yannick Huard. Le traitement ostéopathique précoce permet d’obtenir une amélioration de l’ensemble des signes cliniques de la bronchiolite, par exemple. » En France, cette maladie touche environ 480 000 nourrissons chaque année.

De nombreux troubles fonctionnels peuvent être prévenus dès la naissance. « Toutes les informations qui passent entre la mère et l’enfant pendant la grossesse, mais aussi au moment de l’accouchement, ont des incidences sur la vie future », explique Bruno Ducoux, ostéopathe et créateur du FROP (Formation et recherche en ostéopathie pédiatrique), qui a organisé la première journée de l’ostéopathie le 17 juin, à Paris.

« Il est important que l’ostéopathe puisse intervenir dans les heures qui suivent la naissance dans le cadre d’un dialogue à trois voix entre le bébé, la maman et le professionnel, insiste Bruno Ducoux. Cette première rencontre doit être placée sous le signe de l’échange tactile, et pas de la manipulation. » L’ostéopathie pédiatrique est manuelle, loin de l’ostéopathie pour adultes, qui fait craquer. « L’ostéopathie pédiatrique est un véritable enjeu de santé publique, elle réduirait de 20 % à 30 % les dépenses de santé, particulièrement en pédiatrie où la prescription médicamenteuse est élevée », affirme le créateur du FROP.

Durant l’enfance, cette pratique peut aussi être utile pour un déficit d’attention, une hyperactivité, des troubles du sommeil ou pour des pathologies plus profondes. « Nous traitons des enfants ayant de sévères pathologies maxillo-faciales, souvent génétiques, avec des résultats spectaculaires », indique Roselyne Lalauze-Pol, qui intervient comme ostéopathe au service de chirurgie maxillo-faciale à l’hôpital Robert-Debré, à Paris. Ce sont parfois des pathologies sévères comme le syndrome de Williams ou de Kabuki. « Ce sont les chirurgiens, avant ou après opération, qui nous adressent ces enfants pour les aider à retrouver une posture ou pour éviter les récidives », indique Roselyne Lalauze-Pol, qui est également présidente de la Société européenne de recherche en ostéopathie périnatale et pédiatrique (Seropp). Dans ce cas, « il est indispensable de travailler avec le pédiatre, le kinésithérapeute, l’orthophoniste, l’orthodontiste… », poursuit Mme Lalauze-Pol. Les exemples sont nombreux d’enfants qui, en quelques semaines ou en quelques mois, voient leurs dysfonctions corrigées.

Si les résultats sont souvent probants, « les places restent rares et les réticences nombreuses », regrette pour sa part Michèle Barrot. Il faut dire que l’ostéopathie est une activité encore jeune. C’est la loi du 4 mars 2002, relative aux droits de malades, qui l’a reconnue officiellement. Et ce n’est qu’en 2007 qu’ont été pris les décrets d’application. Ils précisent que les manipulations chez le nourrisson de moins de 6 mois et particulièrement celles du rachis cervical ne peuvent être pratiquées que si le patient dispose d’un « certificat de non-contre-indication médicale » établi par son médecin traitant.

Pour beaucoup, si l’ostéopathie guérit les troubles fonctionnels, elle sert également à les prévenir, notamment en décelant des séquelles de chocs liées à l’enfance, qui peuvent se réveiller à l’âge adulte. « La consultation systématique par un ostéopathe dans une démarche préventive permet de vérifier le bon fonctionnement des composantes du système nerveux et, au besoin, le traitement des déséquilibres, sources probables, à terme, de troubles fonctionnels récurrents », indique Yannick Huard.

Reste que l’ostéopathie est toujours une activité très disparate, avec plus de 59 écoles accréditées et donc des enseignements très hétérogènes. Le ministère de la santé travaille actuellement sur une révision des critères d’agrément des écoles pour les rendre plus discriminants. Les professionnels sont d’accord pour dire qu’il est nécessaire d’avoir des formations spécifiques relatives à la naissance et à la petite enfance, et de développer la recherche.

Comme l’explique Roselyne Lalauze-Pol, « il n’existe pas d’études cliniques randomisées qui prouvent l’efficacité de la pratique, mais un enfant qui bâille, la détente, la diminution des pleurs, pendant et après la consultation, sont autant de signes qui montrent que les effets sont positifs ».

Pascale Santi